Exemple de plan détaillé de dissertation

Remarque préalable

La dissertation qui vous est donnée ici correspond à un devoir très élaboré et de grande qualité. Même si vous devez apprendre, au fil de vos années de 2de et 1re, à tendre vers ce type de réalisation, vous pouvez très bien obtenir un bon résultat en dissertation avec un contenu un peu moins riche, avec également un plan en deux parties (par exemple les seules parties 1 et 3 de cette copie proposeraient déjà une réflexion substantielle et construite). Ne vous laissez donc pas effrayer !

L’essentiel est bien :

  • de ne pas faire un hors-sujet
  • d'avoir un plan clair (qui peut être en deux parties)
  • que vos idées soient valides au regard du sujet et de votre argumentation générale
  • que vos idées soient défendues et que vous les nourrissiez d’exemples : références à des passages précis de l’œuvre, à des situations, à des textes abordés en complément de l’œuvre…

Sujet de la dissertation

Quelle image la pièce Phèdre de Racine nous donne-t-elle de la passion amoureuse ?

Plan

Introduction

Après avoir rappelé que le mot passion est issu d'un verbe latin signifiant « prendre du plaisir » et évoqué les différents sens possibles du mot, on montrera que le XVIIe siècle classique ne conçoit guère la tragédie en dehors de la passion amoureuse ; toutes les tragédies de Racine usent de ce moteur, d'Andromaque à Bérénice en passant par Antigone et, bien sûr, Phèdre ; cependant, le cadre moral et religieux, la bienséance et le jansénisme de Racine supposent un regard sombre porté sur cette passion trop humaine. On proposera donc la problématique suivante :

La passion amoureuse est-elle exclusivement néfaste dans Phèdre de Racine ? 

I. Une force positive malgré tout

A. Permettre le spectacle théâtral

Si, comme on l'a dit en introduction, toutes les pièces de Racine usent de la passion amoureuse à un niveau ou un autre, il ne s'agit pas seulement pour le dramaturge d'en dévoiler les conséquences néfastes : l'amour est d'abord et avant tout un moteur de l'action dramatique ; dans Phèdre, c'est la chaîne amoureuse passant de Thésée à Phèdre, de Phèdre à Hippolyte, et de ce dernier à Aricie et d'Aricie à Œnone, qui va provoquer toutes les péripéties ainsi que l'issue tragique de la pièce. Pas de spectacle sans passion.

B. Purger et moraliser le public : catharsis et christianisme

La représentation de passions destructrices comme l'amour accomplit la théorie énoncée par Platon de la catharsis, reprise à son compte par le théâtre du XVIIe siècle : en donnant à voir les effets néfastes et les conséquences funestes des passions, le spectateur sera purgé de celles-ci et apprendra des erreurs des personnages : si la passion amoureuse est particulièrement nuisible dans le cadre fictif de la scène de théâtre, elle délivre le public de ses mauvaises pulsions et lui offre un discours moral, qui garantira qu'il agira par la suite en bon citoyen ou en bon chrétien qui fuira ce sentiment destructeur. 

C. Des personnages passionnés donc passionnants

Le philosophe Henri-Frédéric Amiel a pu dire de la passion que, sans elle, « l'homme n'est qu'une force latente, qu'une possibilité ». On pourrait en dire autant du personnage de théâtre. Au fond, la passion est ce qui va humaniser un personnage, lui donner une vérité. Phèdre est exemplaire en tant que personnage théâtral justement parce qu'elle est imparfaite, changeante, jalouse, égoïste, dangereuse : en un mot, amoureuse. Hippolyte est également un personnage intéressant parce qu'il nourrit une passion pour les chevaux. Si la catharsis évoquée au-dessus fonctionne, c'est parce que Phèdre nous émeut dans son imperfection et donc son humanité, parce qu'elle provoque chez le spectateur des sentiments ambivalents : haine et pitié. C'est aussi la passion amoureuse qui confère au personnage de Phèdre la force et la poésie de sa langue, produisant des vers parmi les plus emblématiques du théâtre français : « Ce n'est plus une ardeur, dans mes veines cachée / C'est Vénus tout entière à sa proie attachée », dit ainsi Œnone dans l'acte I. 

D. L'amour au service de la politique

Les rivalités politiques ont un impact sur le cours de la pièce : Aricie est en effet interdite d'aimer parce que ses descendants pourraient revendiquer le trône d'Athènes ; Hippolyte rechigne à se disculper auprès de son père en invoquant l'amour qu'il porte à Aricie, car il ne veut pas montrer qu'il a désobéi à son père en aimant celle-ci. 

II. Une force irrationnelle

A. Un sentiment qui surgit sans raison

L'amour paraît éclore de façon arbitraire ; rien ne justifie que Phèdre tombe sous le charme d'Hippolyte, sinon sa grande beauté ; il n'accomplit pas d'actions héroïques, nulle complicité intellectuelle : un regard suffit dans Phèdre : « je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue » ; rien ne saurait expliquer ou justifier que Phèdre tombe subitement amoureuse de son beau-fils dans l'histoire de la pièce.

B. Une passion des corps plus que de la raison

La passion amoureuse se manifeste non dans la raison et l'intellect, mais par des signes corporels divers : ainsi la Phèdre de Racine parle-t-elle des différents symptômes qui la minent : « je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue » ou bien encore « je sentis tout mon corps et transir et brûler » ; la raison semble ainsi niée au détriment du désir et de l'organique, de la pulsion érotique. Racine veut faire de sa pièce une exaltation des corps et des pulsions sexuelles.

C. La raison au service de la passion ?

L'amour peut néanmoins amener à des raisonnements rigoureux, à des plans bien échafaudés, qu'il s'agisse d'y échapper ou de voir sa passion assouvie : Phèdre use de stratégies très conscientes pour dissimuler son amour, feignant de haïr son beau-fils ; Hippolyte lui s'emploie consciemment à éviter Aricie qu'il ne saurait aimer ; Aricie ne veut pas aimer Hippolyte car elle cherche à venger sa famille et souhaite donc le tuer. Tous mettent ainsi leur raison au service de leur passion, comme quand Aricie s'évanouit « aux pieds de son amant ». 

III. Une force destructrice et mortifère

A. Une source de jalousie

Racine, dans une vision moraliste de l'amour, présente celui-ci comme une passion néfaste qui porte en son sein les germes de sa propre destruction. Ainsi l'amour contient-il la jalousie, sentiment délétère qui détruit les unions, les amitiés et même les liens pères-fils : Thésée s'en prend violemment à son fils car il ne supporte pas qu'il s'en soit pris à sa femme ; Phèdre évoque même l'idée de « perdre Aricie », ici la jalousie vire à l'obsession et à la déraison, et montre l'intérêt que portait Racine aux questions d'inconscient et de psychanalyse. 

B. La destruction physique : la mort des personnage, de soi-même et d'autrui

En effet, la passion semble conduire inévitablement à la violence et à la mort, volontaire ou non, sur soi-même ou autrui ; ainsi Phèdre va-t-elle causer volontairement la mort de l'homme qu'elle aime en l'accusant de viol ; ainsi Phèdre retournera cette violence contre elle lors de son suicide final ; cette dimension de destruction physique est notamment chez Racine assortie du lexique classique du feu dévorateur : « flamme », « feu », « ardeur ». 

C. La destruction psychique : vers la folie

Les premières marques de la force destructrice de l'amour sont psychiques : les amoureux déraisonnent et sont même gagnés par des formes de folies, qui prend souvent au théâtre la forme de dérèglement langagier ; le personnage de Phèdre se perd dans ses aveux comme dans un labyrinthe, incapable de dire clairement son aveu et contrainte à des circonlocutions sans fins ; elle utilise également de nombreuses paraphrases comme « fils d'Égée » pour désigner Thésée ou « ce fils de l'Amazone » pour évoquer Hippolyte ; la destruction psychique concernera également d'autres personnages, telle Œnone qui ne pouvant supporter ce qu'elle a fait et la répudiation de sa maîtresse en arrivera à commettre l'ultime péché : le suicide.

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
Télécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/francais-seconde ou directement le fichier ZIP
Sous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0